Dossier Médical Partagé

Dossier médical partagé et protection des données personnelles :

C’EST GRAVE DOCTEUR ?

 

Après de nombreux échecs, le “Dossier médical partagé” se refait une santé !

Le 3 février dernier, le gouvernement inaugurait sa nouvelle plateforme “Mon Espace Santé” (MES).

Cet outil, accessible via Internet après authentification, vise à aider ses utilisateurs à gérer leurs données de santé et à construire leurs parcours de soins avec les professionnels de santé.

Plutôt que de laisser à chaque citoyen le choix de recourir ou non à ce service public en ligne, comme il l’avait fait pour sa première version, le gouvernement a cette fois opté pour une méthode beaucoup plus radicale.

Depuis le début de l’année 2022, l’Assurance maladie communique ainsi à tous ses affiliés leurs identifiants personnels pour activer ce nouveau dispositif. A défaut de connexion ou d’opposition de la personne concernée dans les six semaines suivant la réception de ce courrier/courriel d’information, un compte individuel lui est automatiquement créé sur cet “Espace Numérique de Santé” [1].

 

Quelles sont les fonctions projetées de « Mon Espace Santé » ?

Prenons la température des objectifs et paramètres de cette plateforme.

Toutes les fonctionnalités de cette interface ne sont pas encore disponibles, tels que l’agenda e-santé et le catalogue d’outils et de services, pourtant prévus par les textes. A terme, cette solution regroupera les configurations suivantes[2] :

Qui pourra accéder à « Mon Espace Santé » ?

Chaque utilisateur peut paramétrer son Espace Numérique de Santé afin de déterminer la liste des professionnels de santé autorisés à déposer des informations sur son compte, ou à en prendre connaissance. Les choix opérés par les assurés à cet égard sont, là encore, modifiables à tout instant.

Ces autorisations d’accès peuvent être temporaires ou définitives. Elles peuvent porter sur l’ensemble des données contenues dans l’application, ou être limitées à certains documents.

Quoi qu’il en soit, la communication des données renseignées sur cette plateforme ne peut en aucun cas être exigée par des tiers, en particulier lors de la conclusion d’un contrat – notamment d’assurance.

Et pour cause, en disposant de ces renseignements sensibles vous concernant, vos interlocuteurs seraient en mesure d’effectuer divers pronostics… et d’ajuster le montant de vos cotisations en fonction de vos risques de présenter, à plus ou moins long terme, des problèmes de santé. Des pratiques abjectes, mais qui ne sont malheureusement pas si anecdotiques !

Quid du « Dossier médical partagé » intégré dans l’ENS ?

Le “Dossier Médical Partagé” (DMP) constitue une sorte de carnet de santé digital. Il vise à « favoriser la prévention, la coordination, la qualité et la continuité des soins des personnes concernées »[3].

Il contient :

  • Les données versées par les praticiens autorisés à l’issue de leurs consultations: l’état des vaccinations du patient, ses synthèses médicales et paramédicales, comptes-rendus d’hospitalisation, résultats d’analyses biologiques ou d’examens d’imagerie médicale, les actes diagnostiques et thérapeutiques réalisés, etc.
  • Les données que le titulaire du compte a éventuellement lui-même ajoutées : ses allergies, ses antécédents familiaux, ses documents de santé émis avant l’ouverture de son Espace Numérique de Santé, ses volontés en matière de don d’organes ou ses directives anticipées, l’identité du proche à prévenir en cas d’urgence, etc.

Hormis le médecin traitant éventuellement désigné par le titulaire du compte – qui peut accéder à l’ensemble des données inscrites dans son Dossier Médical Partagé – les autres soignants devront impérativement avoir obtenu le consentement de leur patient pour s’y connecter[4].

Une dérogation est prévue en cas d’urgence. Si l’état du malade l’exige, tout professionnel de santé peut consulter son Dossier Médical Partagé sans son autorisation, à moins que celui-ci ait expressément indiqué s’y opposer dans ses informations personnelles.

Afin que les affiliés puissent s’assurer du respect de la confidentialité de leurs données personnelles de santé, la plateforme est équipée d’un outil de traçabilité des connexions. Lors de chaque intervention par un tiers sur son Espace Numérique de Santé, l’utilisateur reçoit ainsi en principe une notification reprenant la date, l’heure, l’action réalisée (dépôt de document, consultation, modification…) et l’identification de son auteur.

Un remède suffisant pour prévenir toutes dérives ? L’avenir nous le dira !

Quels sont mes droits en tant qu’utilisateur ?

Sur leur Espace Numérique de Santé comme sur leur Dossier Médical Partagé, les assurés peuvent naturellement exercer les droits qui leur sont reconnus par la législation en vigueur en matière de protection des données.

Étant les seuls gestionnaires de leurs comptes, ils peuvent à cet égard :

  • Extraire les données qui y figurent, en application de leur droit d’accès et de leur droit à la portabilité de leurs données ;
  • Les rectifier si elles s’avèrent inexactes, incomplètes ou obsolètes ;
  • Effacer les renseignements qu’ils auraient eux-mêmes déposés[5] ;
  • Limiter le traitement de leurs données, en réduisant les droits d’accès des professionnels de santé ;
  • Clôturer à tout moment leur compte, en application de leur droit d’opposition.

Dans ce cas, les données contenues sur la plateforme seront conservées pendant une durée de 10 ans, sauf si le titulaire du compte sollicite spécifiquement leur suppression [6].

AVIS aux professionnels de santé !

Vous êtes amenés, en tant que soignant, à traiter chaque jour des données de santé ?

L’instauration de cette nouvelle version du “Dossier Médical Partagé” est susceptible d’impacter votre pratique au quotidien !

Notez qu’il est indispensable d’interroger vos patients sur la question de savoir s’ils vous autorisent à consulter et à alimenter leur compte personnel. A défaut, toute connexion à leur Dossier Médical Partagé constitue un accès illégitime, et vous expose à des sanctions judiciaires, pénales ou émanant des ordres professionnels.

Vous devez également respecter les droits dont bénéficient vos patients pour la protection de leurs données personnelles. A cet égard, vous êtes tenus répondre aux demandes d’accès et de rectification qui vous seraient adressées par ces derniers si vous êtes à l’origine du document objet de leur requête [7].

Nous attirons également votre attention sur le fait que, comme le rappelle l’article R.1111-40 du Code de la Santé Publique, le Dossier Médical Partagé ne se substitue pas au dossier que tient chaque professionnel de santé, quel que soit son mode d’exercice, dans le cadre de la prise en charge d’un patient.

Or, à cet égard, des règles spécifiques s’imposent compte tenu de la sensibilité des données que vous manipulez : mise en place de mesures de sécurité techniques et organisationnelles adaptées aux risques pour les droits et libertés des personnes concernées, recours à des prestataires agréés ou certifiés pour l’hébergement, le stockage ou la conservation des données de santé, etc.

Si vous n’êtes pas certains d’agir dans le respect de la législation en vigueur en matière de protection des données personnelles, il est encore temps de dresser le diagnostic de votre conformité !

A l’heure ou nous finissions la rédaction de cette article, la CNIL, publie une FAQ sur le sujet pour l’information du grand public, qui comme toujours est extrêmement clair que nous vous invitons à consulter en complément.

L.H

[1] Les utilisateurs peuvent néanmoins changer d’avis à tout moment, en demandant la clôture de leur Espace Numérique de Santé.

[2] Les conditions d’instauration et de mise en œuvre de cet Espace Numérique de Santé ainsi que du Dossier Médical Partagé inclus en son sein sont régies par les articles L.1111-13 et suivants et R.1111-26 et suivants du Code de la Santé Publique.

[3] Conformément à l’objectif défini à l’article L.1111-14 du Code de la Santé Publique (CSP).

[4] Cette autorisation sera alors réputée valoir pour tous les membres de l’équipe de soins à laquelle appartient ce professionnel habilité.

[5] Les utilisateurs ne peuvent toutefois pas retirer les documents versés sur leur compte personnel par des praticiens. Ils devront, dans ce cas, demander directement à l’auteur de l’information de la retirer.

[6] A l’inverse, si vous n’avez pas sollicité la destruction des renseignements vous concernant figurant dans l’application, il vous est possible de demander à tout instant, dans ce délai de 10 ans, le rétablissement de votre compte et de vos données de santé archivées.

[7] Article R.1111-51 du Code de la Santé Publique.

 

 

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