Sanction Total Énergies

TOTAL ÉNERGIES : une usine à gaz pour la protection des données personnelles ?

Après deux ans d’enquête, la CNIL[1] a condamné la société TOTAL ÉNERGIES ÉLECTRICITÉ ET GAZ France au paiement d’une amende d’un million d’euros. Sa décision du 23 juin 2022 sanctionne deux principaux manquements du fournisseur d’énergie à la législation en vigueur en matière de protection des données à caractère personnel[2].

RGPD-Experts vous tient au courant des règles pourtant fondamentales mises en cause dans cette affaire.

Violation des règles relatives à la prospection

Saisie de 27 plaintes de particuliers, la Commission a pris la température de la conformité de TOTAL ÉNERGIES.

Elle a tout d’abord constaté les pratiques inadaptées de la société dans le cadre de ses campagnes de relance de prospects.

TOTAL ÉNERGIES a effectivement recontacté de nombreux clients potentiels par courrier ou par téléphone grâce aux informations personnelles que ceux-ci lui avaient fournies en ligne pour obtenir des devis, ce sans avoir préalablement recueilli leur consentement à recevoir des offres commerciales comme l’exige l’article L. 34-5 du Code des postes et des communications électroniques[3].

 

Or, ces prospects avaient accepté de renseigner leurs coordonnées sur le site Internet de l’entreprise pour une finalité précise, à savoir la souscription d’un possible contrat. Le fait d’utiliser ces informations pour leur vanter par la suite les avantages ou promotions proposées par TOTAL ENERGIES constitue une seconde finalité à l’exploitation de leurs données, pour laquelle ces internautes n’avaient pas donné leur accord.

Le formulaire de collecte de données en question mentionnait uniquement que :

« En renseignant les informations suivantes, vous reconnaissez donner votre accord à leur utilisation par Total Direct Énergie pour vous présenter ultérieurement ses offres »

L’usage de phrases génériques de ce type est à proscrire. Dans ces conditions, les intéressés n’étaient en effet pas en mesure de donner expressément leur consentement à ce que leurs coordonnées soient utilisées à des fins de prospection, alors même que les textes imposent que leur accord résulte d’un acte positif clair.

 

La CNIL a également conclu à un manque d’information ou une information incomplète des prospects démarchés par téléphone.

 

 

Lors de ces appels, les collaborateurs de TOTAL ÉNERGIES ne les renseignaient pas sur les principales caractéristiques du traitement de leurs données personnelles ainsi que sur leurs droits en la matière, en violation des articles 13 et 14 du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

 

 

 

Plusieurs mesures faciles à mettre en œuvre peuvent vous éviter de tels défauts d’information et de subir les foudres de l’autorité de contrôle, tels que :

 

–       Organiser des sessions de sensibilisation et de formation de votre personnel en charge de la prospection sur les enjeux liés à la protection des données personnelles ;

 

–       Modifier le script des appels types de vos conseillers, afin de souligner les informations essentielles à indiquer à leurs interlocuteurs dès le début de leurs correspondances ;

 

–   Demander à ces mêmes conseillers d’envoyer aux personnes contactées un mail ou tout autre écrit confirmant l’usage qui sera fait de leurs données ;

 

–       Instaurer un mécanisme permettant aux personnes concernées d’obtenir l’ensemble des informations requises par les articles 13 et 14 du RGPD. Vous pouvez par exemple les inviter à appuyer sur une touche de leur clavier de téléphone les renvoyant vers une personne compétente ou activant la lecture d’un message préenregistré.

 

Violation des règles relatives au respect des droits des personnes concernées

Les dispositions issues du RGPD et de la loi dite « Informatique et Libertés » du 06 janvier 1978 dans sa version modifiée reconnaissent divers droits aux personnes concernées par le traitement de leurs données, afin qu’elles puissent en conserver la maitrise.

Comment briller sur ce point ?

L’étendue de ces prérogatives dépend de la nature du traitement de données en question. Elles se traduisent notamment, et selon les cas, dans le droit :

  • D’accéder à ses données et/ou d’en obtenir une copie ;
  • De les rectifier si elles s’avèrent inexactes, incomplètes ou obsolètes ;
  • De les effacer ;
  • De limiter le traitement de ses données ;
  • Du droit à la portabilité de ses données ;
  • De s’opposer au traitement de ses données personnelles ;
  • De formuler des directives sur le sort de ses données après son décès auprès d’un tiers de confiance ;
  • De retirer à tout moment son consentement au traitement de ses données, si telle est la base légale du traitement ;
  • D’introduire une réclamation auprès de la CNIL.

Or, il y a justement eu de l’eau dans le gaz sur le sujet entre le fournisseur d’énergie et le gendarme français de la protection des données personnelles… La CNIL a en effet mis en évidence les lacunes de TOTAL ÉNERGIES dans la gestion des demandes d’exercice de droit formulées par ses clients et prospects.

L’autorité régulatrice révèle que la société n’a pas respecté les modalités de réponse imposées par les textes, voire s’est parfois purement abstenue de traiter ces requêtes, en particulier des demandes d’accès de clients à leurs données et leur opposition à être inscrits sur ses listes de prospection commerciale.

Lorsqu’un individu porte à la connaissance du responsable de traitement sa volonté d’exercer l’un de ses droits, ce dernier est tenu de lui indiquer les suites données à sa requête « dans les meilleurs délais et en tout état de cause dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande » (article 12 RGPD)[4].

Ce délai de réponse peut être prolongé de deux mois, notamment en raison de la complexité ou du nombre de demandes adressées au responsable de traitement, et à condition d’informer le demandeur de ce report et de ses motifs.

Les investigations de l’autorité régulatrice ont ici permis de constater de multiples retards dans les réponses données aux clients et prospects ayant demandé à TOTAL ÉNERGIES d’exercer leurs droits.

La CNIL souligne le fait que la société ne pouvait pas se retrancher derrière le manque de coopération de ses partenaires commerciaux lui vendant les coordonnées de prospects pour justifier ces retards.

En effet, il lui appartient en tant que responsable de traitement de s’organiser pour pouvoir répondre aux demandes d’exercice de droit d’accès aux données dans les délais requis par la loi. Elle précise en outre que TOTAL ÉNERGIES pouvait aussi communiquer aux demandeurs les informations dont elle disposait les concernant au fur et à mesure que celles-ci lui étaient transmises, plutôt que de se taire mécaniquement.

TOTAL ÉNERGIES a également essayé de se défendre en argumentant que certains plaignants n’avaient pas contacté les services spécifiquement en charge de ces questions. La CNIL a estimé que cette circonstance n’exonérait pas la société de sa responsabilité, dès lors qu’elle avait pour obligation de répondre à toutes les requêtes qui lui sont envoyées, même par un autre canal que celui prévu à cet effet.

En l’occurrence, l’objet de ces demandes était clair. Il revenait donc à TOTAL ÉNERGIES de veiller en interne à ce qu’elles soient transférées au personnel compétent.

TOTAL ÉNERGIES a aussi pu juger à tort qu’il n’était pas utile de dépenser de l’énergie pour prévenir certains demandeurs de la régularisation de leur situation. Ces derniers sont alors restés illégitimement dans le noir en ce qui concerne les suites apportées à leurs sollicitations…

Pas besoin d’être une lumière pour comprendre l’importance de rédiger des procédures pour gérer efficacement le traitement des demandes d’exercice de droits des personnes concernées.

Des protocoles de vérification de la recevabilité de ces requêtes à la rédaction de réponses types, en passant par une analyse approfondie de l’applicabilité de ces droits à vos opérations de traitement, RGPD-Experts met à votre disposition son expertise pour vous éviter d’être confrontés à des situations électriques…

[1] La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) est l’autorité administrative indépendante française compétente en matière de protection des données personnelles.

[2] L’intégralité de la délibération de la CNIL est disponible à l’adresse suivante : https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000045975295?init=true&page=1&query=San-2022-011&searchField=ALL&tab_selection=all

[3] Pour davantage d’informations concernant la gestion des données personnelles lors de vos campagnes de prospection, nous vous invitons à consulter notre précédent article sur ce sujet : https://www.rgpd-experts.com/et-si-on-revoyait-les-bases-de-la-gestion-de-vos-fichiers-de-prospection/

[4] Cette règle vaut aussi en cas d’inaction du responsable de traitement, l’organisme devant alors justifier des raisons de son refus ainsi que de la possibilité pour le demandeur de saisir une autorité de contrôle de sa réclamation et de contester cette décision en justice.

L.H

 

 

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